Forth
from her land to mine she goes,
The island maid, the island rose,
Light of heart and bright of face:
The daughter of a double race.
The island maid, the island rose,
Light of heart and bright of face:
The daughter of a double race.
(R.L.
Stevenson)
Elle
était belle, très belle. Longue, brune, fine comme un jonc et
galbée comme un cygne. Le visage ovale, de grands yeux tendres et
vifs, les sourcils droits, le nez un peu pointu, les lèvres pleines
et espiègles, de longs cheveux très noirs, épais et ondulés, le
maintien digne et le port haut.
Princesse
héritière d'un royaume lointain, un archipel d'îles enchantées
nées du feu de la terre, couchées sur l'océan que l'on dit
Pacifique.
Elle
naquit en automne, mais la Polynésie ne connait pas l'automne, fille
d'une Princesse royale et d'un riche négociant amoureux des jardins, mi-hawaïenne, mi-écossaise. Enfant sacrée, enfant choyée, sa vie commence comme un
conte de fée, et comme les contes, elle est triste. Elle avait onze
ans lorsque mourut sa mère. « I
have missed her every day from the first dreadful day she died. »
(1) Par
droit de naissance, elle était destinée à hériter un jour du
trône d'Hawaï. Elle reçut une éducation raffinée. Intelligente,
vive et appliquée, elle apprenait vite. Sportive, elle montait à
cheval, surfait sur les rouleaux, pagayait et nageait dans les vagues du Pacifique. Plus tard elle se mit au tennis et au criquet. Elle
chantait, jouait de la guitare et du ukulélé, elle peignait des
fleurs et des paysages. A treize ans elle partit étudier une année
en Angleterre. L'écrivain
Robert Louis Stevenson, ami de la famille, pour rendre son départ
plus facile lui décrivit les beautés du pays et lui parla des
légendes celtiques. Elle
y resta quatre ans. Elle avait dix-sept ans à peine quand sa vie
bascula.
Près
d'un siècle plus tôt, le Roi Kamehameha, son aïeul, avait unifié
les chefferies des îles en un seul royaume, sur le modèle des
monarchies parlementaires européennes. Déjà guidé et armé en
sous-main par les occidentaux.
Pour
échapper aux raids français, ses successeurs demandèrent la
protection des États-Unis et de l'Angleterre. C'était prier les loups
de les protéger du renard. En 1887, (la Princesse allait sur ses
douze ans) une « Constitution baïonnette », fausse
constitution imposée par la menace des armes, vrai coup de force qui
favorisait les intérêts commerciaux des planteurs et négociants
étrangers américains et européens au détriment des droits de la
population locale, fut imposée au pays et à son roi sous
l'impulsion de Sanford B. Dole, propriétaire de la Dole Food Company. (2)
Lorsqu'en
1891 la reine Lili'uokalani, sa tante, arriva au pouvoir, de
nombreuses pétitions lui furent adressées, en faveur d'une révision
de cette constitution inique. A peine s'y fut-elle attelée qu'elle
fut renversée et forcée d'abdiquer, en 1893, par une coalition de
planteurs occidentaux soutenus par une compagnie de fusiliers marins
américains. Un gouvernement provisoire rebaptisa le pays
« République d'Hawaï » et mit en place un protectorat
américain, qui déboucha sur une annexion pure et simple en 1898.
Annexion illégitime, ni voulue ni demandée par la population qui ne
fut pas consultée. Il n'y eut ni référendum, ni traité, rien
qu'un acte unilatéral de la part de commerçants étrangers et à
leur bénéfice exclusif.(3) Ce n'est pas avant un siècle, avant 1993 seulement, que
le Congrès des États-Unis formula des excuses. Trop tard pour
Hawaï. Trop tard pour la Princesse.
(à suivre)
_________________________________________________________________________
(1)
« Elle m'a manqué chaque jour, depuis ce premier jour
terrifiant de sa mort. »
(2) La
Dole Company existe toujours. Pensez-y la prochaine fois que vous
mangerez une banane ou que vous ouvrirez une boîte d'ananas.
(3)
Déclaration de Lorrin Thurston à la presse de Chicago, 02,02,1893 :
« Le grand problème était que la reine ne souhaitait pas
démissionner de façon constitutionnelle, mais se rangeait du côté
de cet élément qui réclamait depuis des années « Hawaï aux
Hawaïens ». Les américains et européens, qui possédaient de
loin « les plus grands intérêts » là-bas, n'étaient
pas disposés à laisser les natifs dépenser l'argent qu'ils avaient
tant travaillé à gagner. » Tout est dit.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire